La francophonie peut-elle être porteuse d’une nouvelle vision économique pour l’ensemble euro-méditerranéen ?
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde tourmenté par une globalisation libre-échangiste aveugle, travaillé par une recherche échevelée de profits largement détaché de l’économie réelle, la maison francophone est plus que jamais une grande famille, un espace de langage commun amical et complice.
Ce qui dort au sein de chaque francophone, c’est le patrimoine humaniste des Encyclopédistes français, c’est la recherche de la fraternité humaine et la lutte contre les inégalités. Rien n’entamera, je pense, cette filiation avec tous ces grands humanistes, ni la résonance de la devise révolutionnaire et républicaine de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.
Aussi, vivons-nous des années charnières où plus que jamais notre maison francophone, comme demain peut-être cet autre grand projet de construction méditerranéenne qu’est l’Union pour la Méditerranée, doit rester cette demeure refuge de tous les amoureux de valeurs humanistes.
Faut-il rappeler ici, puisque le thème de l’économie nous réunit aujourd’hui, que les valeurs de solidarité économique ont aussi caractérisé la culture économique francophone. Qu’il me soit permis d’évoquer à cette occasion, cette grande figure qu’a été l’Abbé Louis Lebret, qui avec François Perroux, a prêché toute sa vie l’économie solidaire et que nous retrouvons aujourd’hui sous le slogan du développement durable.
Louis Lebret a marqué durablement toute une génération par le travail exemplaire qu’il a accompli au Liban, sous l’égide du Général Chéhab, président de la République libanaise entre 1958 et 1964. Hélas, le travail de ces deux grands hommes pour une économie plus solidaire, pour un développement équilibré de toutes les régions du Liban, fut vivement combattu par l’absence de générosité et de vision de certains milieux d’affaires et d’une partie de la classe politique, craignant de perdre les assises traditionnelles de son pouvoir.
Le modèle social européen que l’on vante à nouveau, en ces temps de crise économique, et notre patrimoine francophone nous offre une boite à idées et à outils qu’il ne faut pas hésiter à employer.
Sur ce plan, l’Union pour la Méditerranée, jaillie de la démarche dynamique du président Nicolas Sarkozy, aurait intérêt à se pencher sur la nature du tissu socio-économique des pays méditerranéens où prédomine au nord comme au sud la PME. C’est ce tissu qui est le plus créateur d’emploi dont il faut nourrir l’expansion à condition que le poids de l’économie de rente, de corruption, de trafic d’influence, qui domine dans trop de pays du sud de la Méditerranée, ne lui ferme pas la route du développement.
Dans nos économies, de ce côté de la Méditerranée, trop souvent les taux de profits très élevés du secteur bancaire, du secteur foncier de luxe et du secteur de la grande distribution commerciale ou du secteur des télécommunications qui attirent beaucoup les investissements étrangers, barrent la route à une meilleure diversification des investissements, sur le plan sectoriel comme géographiquement où les investissements fonciers sont concentrés dans les grandes villes ou sur les côtes à caractère touristique.
De plus, trop souvent jusqu’ici, la libéralisation des marchés a entraîné un renforcement des structures oligopolistiques des économies du sud de la Méditerranée, concentrées entre les mains de quelques hommes d’affaires puissants et les membres de leur famille. Aussi, le monde rural a-t-il été délaissé, abandonné à lui-même, sans la moindre protection sociale, ce qui a provoqué des flux massifs d’exode, d’abord vers les capitales, puis vers l’émigration, parfois pour les plus pauvres, dans des conditions dramatiques où ils perdent leur vie en traversant notre belle Méditerranée.
De plus, dans le domaine industriel une certaine passivité technologique a limité l’expansion de l’industrie aux industries traditionnelles de transformation exigeant peu d’investissements lourds et pouvant faire l’économie de dépenses de recherche et développement. Les efforts massifs faits en matière de généralisation de l’enseignement et de développement de l’enseignement universitaire n’ont porté que des fruits limités, en l’absence de politiques dynamiques de création d’emplois qualifiés dans les services à haute valeur ajoutée ou dans les secteurs de haute technologie.
Les espoirs mis dans le processus de Barcelone pour exercer un effet d’entraînement sur les économies du sud de la Méditerranée et engager une dynamique de convergence des niveaux de vie entre les deux rives ne se sont réalisés que très partiellement. Les succès nombreux de mises à niveau institutionnelles ne doivent pas cacher l’échec relatif dans la dynamisation des économies réelles, surtout lorsque l’on constate les réalisations des autres pays émergents en Asie du sud-est ou en Amérique latine.
Il y a donc un modèle économique, un style de développement, qui sont à repenser en Méditerranée du sud et il faut espérer que l’Union pour la Méditerranée pourra constituer cette enceinte de réflexion économique dont nous avons tant besoin. De nombreuses institutions d’étude et de réflexions existent d’ailleurs, tels que l’Institut méditerranéen de Marseille, l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen à Paris, et bien d’autres en Italie et en Espagne.
Il y a donc une synergie fructueuse à créer entre les Assises économiques de la Francophonie, l’UPM et le réseau dense de ces institutions d’études et de recherches méditerranéennes pour promouvoir des dynamiques nouvelles de développement et de coopération.
Je pense sur ce plan que la Francophonie, en particulier, doit jouer un rôle éminent dans cette redéfinition des politiques économiques et des formes de coopération. Je pense surtout que la Turquie, les pays arabes méditerranéens, la Grèce, l’Italie et l’Espagne et, bien sûr la France, devraient être plus sollicités, que ce soit au niveau de la Francophonie ou de l’UPM ou des deux à la fois, pour des rencontres de réflexion sur l’état de l’économie des pays de la rive sud et les moyens d’assurer cette convergence économique, jusqu’ici introuvable, entre les deux rives.
Contrairement à une opinion répandue, ce n’est pas l’apaisement des conflits politiques qui déchirent le Moyen-Orient méditerranéen qui est susceptible d’ouvrir la voie à une meilleure dynamique économique. Mais plutôt, c’est un changement de modèle et de style développement qui supprimerait les larges poches de pauvreté, ainsi que le fort taux de chômage des jeunes, et assurerait une répartition plus juste des revenus et une dynamisation des économies locales.
Il ne faut donc pas que les conflits politiques ou militaires paralysent le travail économique de l’UPM. Aussi, je pense que la Francophonie devrait user de toute son influence pour initier cette réflexion économique vitale pour l’avenir de notre Méditerranée. Elle augmenterait son prestige et son influence, tout en aidant l’UPM à mieux centrer sa vocation et sa politique.
La Francophonie économique, au-delà de sa nécessaire vocation de Forum des Affaires doit être aussi cet espace de réflexion économique et sociale et de promotion de la solidarité sous toutes ses formes, fidèle en cela aux principes moraux et éthique de l’économie politique et au patrimoine de l’Eglise en matière d’économie qui rejoint d’ailleurs sur plus d’un plan l’éthique économique islamique.
Je formule donc le souhait, pour terminer, que nous soyons tous mobilisés pour une renaissance économique, technologique et scientifique, de l’ensemble du bassin méditerranéen et que vos assises annuelles soient toujours l’occasion de repenser de façon constructive et imaginative l’économie du bassin méditerranéen.

Mesdames, Messieurs,
Dans un monde tourmenté par une globalisation libre-échangiste aveugle, travaillé par une recherche échevelée de profits largement détaché de l’économie réelle, la maison francophone est plus que jamais une grande famille, un espace de langage commun amical et complice.
Ce qui dort au sein de chaque francophone, c’est le patrimoine humaniste des Encyclopédistes français, c’est la recherche de la fraternité humaine et la lutte contre les inégalités. Rien n’entamera, je pense, cette filiation avec tous ces grands humanistes, ni la résonance de la devise révolutionnaire et républicaine de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.
Aussi, vivons-nous des années charnières où plus que jamais notre maison francophone, comme demain peut-être cet autre grand projet de construction méditerranéenne qu’est l’Union pour la Méditerranée, doit rester cette demeure refuge de tous les amoureux de valeurs humanistes.
Faut-il rappeler ici, puisque le thème de l’économie nous réunit aujourd’hui, que les valeurs de solidarité économique ont aussi caractérisé la culture économique francophone. Qu’il me soit permis d’évoquer à cette occasion, cette grande figure qu’a été l’Abbé Louis Lebret, qui avec François Perroux, a prêché toute sa vie l’économie solidaire et que nous retrouvons aujourd’hui sous le slogan du développement durable.
Louis Lebret a marqué durablement toute une génération par le travail exemplaire qu’il a accompli au Liban, sous l’égide du Général Chéhab, président de la République libanaise entre 1958 et 1964. Hélas, le travail de ces deux grands hommes pour une économie plus solidaire, pour un développement équilibré de toutes les régions du Liban, fut vivement combattu par l’absence de générosité et de vision de certains milieux d’affaires et d’une partie de la classe politique, craignant de perdre les assises traditionnelles de son pouvoir.
Le modèle social européen que l’on vante à nouveau, en ces temps de crise économique, et notre patrimoine francophone nous offre une boite à idées et à outils qu’il ne faut pas hésiter à employer.
Sur ce plan, l’Union pour la Méditerranée, jaillie de la démarche dynamique du président Nicolas Sarkozy, aurait intérêt à se pencher sur la nature du tissu socio-économique des pays méditerranéens où prédomine au nord comme au sud la PME. C’est ce tissu qui est le plus créateur d’emploi dont il faut nourrir l’expansion à condition que le poids de l’économie de rente, de corruption, de trafic d’influence, qui domine dans trop de pays du sud de la Méditerranée, ne lui ferme pas la route du développement.
Dans nos économies, de ce côté de la Méditerranée, trop souvent les taux de profits très élevés du secteur bancaire, du secteur foncier de luxe et du secteur de la grande distribution commerciale ou du secteur des télécommunications qui attirent beaucoup les investissements étrangers, barrent la route à une meilleure diversification des investissements, sur le plan sectoriel comme géographiquement où les investissements fonciers sont concentrés dans les grandes villes ou sur les côtes à caractère touristique.
De plus, trop souvent jusqu’ici, la libéralisation des marchés a entraîné un renforcement des structures oligopolistiques des économies du sud de la Méditerranée, concentrées entre les mains de quelques hommes d’affaires puissants et les membres de leur famille. Aussi, le monde rural a-t-il été délaissé, abandonné à lui-même, sans la moindre protection sociale, ce qui a provoqué des flux massifs d’exode, d’abord vers les capitales, puis vers l’émigration, parfois pour les plus pauvres, dans des conditions dramatiques où ils perdent leur vie en traversant notre belle Méditerranée.
De plus, dans le domaine industriel une certaine passivité technologique a limité l’expansion de l’industrie aux industries traditionnelles de transformation exigeant peu d’investissements lourds et pouvant faire l’économie de dépenses de recherche et développement. Les efforts massifs faits en matière de généralisation de l’enseignement et de développement de l’enseignement universitaire n’ont porté que des fruits limités, en l’absence de politiques dynamiques de création d’emplois qualifiés dans les services à haute valeur ajoutée ou dans les secteurs de haute technologie.
Les espoirs mis dans le processus de Barcelone pour exercer un effet d’entraînement sur les économies du sud de la Méditerranée et engager une dynamique de convergence des niveaux de vie entre les deux rives ne se sont réalisés que très partiellement. Les succès nombreux de mises à niveau institutionnelles ne doivent pas cacher l’échec relatif dans la dynamisation des économies réelles, surtout lorsque l’on constate les réalisations des autres pays émergents en Asie du sud-est ou en Amérique latine.
Il y a donc un modèle économique, un style de développement, qui sont à repenser en Méditerranée du sud et il faut espérer que l’Union pour la Méditerranée pourra constituer cette enceinte de réflexion économique dont nous avons tant besoin. De nombreuses institutions d’étude et de réflexions existent d’ailleurs, tels que l’Institut méditerranéen de Marseille, l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen à Paris, et bien d’autres en Italie et en Espagne.
Il y a donc une synergie fructueuse à créer entre les Assises économiques de la Francophonie, l’UPM et le réseau dense de ces institutions d’études et de recherches méditerranéennes pour promouvoir des dynamiques nouvelles de développement et de coopération.
Je pense sur ce plan que la Francophonie, en particulier, doit jouer un rôle éminent dans cette redéfinition des politiques économiques et des formes de coopération. Je pense surtout que la Turquie, les pays arabes méditerranéens, la Grèce, l’Italie et l’Espagne et, bien sûr la France, devraient être plus sollicités, que ce soit au niveau de la Francophonie ou de l’UPM ou des deux à la fois, pour des rencontres de réflexion sur l’état de l’économie des pays de la rive sud et les moyens d’assurer cette convergence économique, jusqu’ici introuvable, entre les deux rives.
Contrairement à une opinion répandue, ce n’est pas l’apaisement des conflits politiques qui déchirent le Moyen-Orient méditerranéen qui est susceptible d’ouvrir la voie à une meilleure dynamique économique. Mais plutôt, c’est un changement de modèle et de style développement qui supprimerait les larges poches de pauvreté, ainsi que le fort taux de chômage des jeunes, et assurerait une répartition plus juste des revenus et une dynamisation des économies locales.
Il ne faut donc pas que les conflits politiques ou militaires paralysent le travail économique de l’UPM. Aussi, je pense que la Francophonie devrait user de toute son influence pour initier cette réflexion économique vitale pour l’avenir de notre Méditerranée. Elle augmenterait son prestige et son influence, tout en aidant l’UPM à mieux centrer sa vocation et sa politique.
La Francophonie économique, au-delà de sa nécessaire vocation de Forum des Affaires doit être aussi cet espace de réflexion économique et sociale et de promotion de la solidarité sous toutes ses formes, fidèle en cela aux principes moraux et éthique de l’économie politique et au patrimoine de l’Eglise en matière d’économie qui rejoint d’ailleurs sur plus d’un plan l’éthique économique islamique.
Je formule donc le souhait, pour terminer, que nous soyons tous mobilisés pour une renaissance économique, technologique et scientifique, de l’ensemble du bassin méditerranéen et que vos assises annuelles soient toujours l’occasion de repenser de façon constructive et imaginative l’économie du bassin méditerranéen.

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