Le Forum
francophone des affaires lance le débat sur l’égalité d’accès au français
La
présidente du FFA, Reine Codsi, a évoqué « les valeurs universelles du français
».
Une
causerie a été animée par la doyenne de la faculté de sciences politiques de
l'USJ, Fadia Kiwan, à l'occasion d'un déjeuner de diplomates et d'hommes
d'affaires.
Sandra NOUJEIM | OLJ
Dans le cadre du mois de la francophonie,
le Forum francophone des affaires (FFA) a réuni, autour d'un déjeuner, hommes
d'affaires, diplomates et figures politiques et sociales pour évaluer la place
actuelle de la langue française. Le FFA, qui célèbre ses 20 ans cette année,
« vise à mettre le réseau de la francophonie au service des entreprises
libanaises », comme l'explique la présidente du forum, Reine Codsi. La
diffusion de cette langue, « porteuse de valeurs universelles »,
trouverait ainsi un point d'appui dans le monde des affaires.
D'une manière générale, la corrélation
entre la langue diffusée, la culture qu'elle véhicule et son impact sur la
marche d'une société, et parfois sa politique, s'exacerbe dans les rapports de
la francophonie et du Liban.
Animant la causerie sur la consolidation de
l'usage du français, la doyenne de la faculté de sciences politiques de l'USJ,
Fadia Kiwan, a d'abord mis l'accent sur le « choix stratégique et
ferme » pris par l'État libanais dès 1991 de maintenir le français comme
« point focal de l'enseignement à l'Université libanaise et dans les
écoles publiques ». Fadia Kiwan relève néanmoins des failles dans la mise
en œuvre de cet objectif, liées surtout à « l'accès inégal au français au
sein du système libanais ».
« La
langue de Descartes »
Afin d'y remédier, il serait important de
s'entendre sur la valeur et la portée de cette langue. Sur ce point, Fadia
Kiwan tend à valoriser « la structuration logique de la pensée »
qu'offre le français. « On m'avait proposé de mettre en place, au sein de
la faculté de sciences politiques, un enseignement de la doctrine du français
en arabe », souligne-t-elle, insistant sur « les atouts de cette
langue, à savoir la cohérence et la discipline intellectuelles ».
« Le français n'est pas seulement la langue de Molière, il est aussi la
langue de Descartes », a-t-elle affirmé.
Sur ce point, l'ancien ministre Georges
Corm valorise cette « différenciation très exacte entre l'image d'une
langue littéraire et celle de la rationalité qu'elle véhicule ». Cette
rationalité aurait imprégné surtout la matière juridique, mais aussi
« l'économie et les sciences », quand bien même la langue française
souffre aujourd'hui d'une « tendance à être défaitiste par rapport à l'anglais
dans le domaine des affaires ». L'historien et économiste critique cette
approche, revenant par exemple sur « les contrats en anglais de 300 pages
qui finissent en procès au grand profit des avocats. On s'entend mieux sur la
base d'un contrat rédigé en français ». « Il faut s'accrocher de
toutes ses forces au français qui reste la langue du changement » pour le
pays, conclut-il.
Rebondissant sur ces propos, Fadia Kiwan
fait état d'une « résistance du français à cette invasion des autres
langues étrangères ». Les chiffres prouveraient, selon elle, cette
résistance : « Près de 65 % des opérateurs au Liban sont
francophones aujourd'hui, ce taux ayant varié de très peu depuis le début de la
guerre. » Si cet optimisme est contesté par certains dans l'audience, il
reste que le mécanisme de résistance de la langue française existe. « Face
à la mondialisation qui nous saisit en groupes et non en individus, il est
important que la francophonie constitue un réseau », souligne-t-elle.
« Le
français comme moyen »
Et d'ajouter que ce mécanisme devrait être
sous-tendu non par une « approche élogieuse du français, qui serait une
approche idéologique, mais par la conviction qu'il s'agit d'un outil
linguistique, véhicule de culture, dont nous n'avons nul intérêt à nous
dessaisir ».
L'ambassadeur de France, Patrice Paoli,
fait remarquer d'ailleurs que « le français est souvent perçu comme un
moyen, et non comme un but en soi ». Il révèle avoir reçu une nouvelle
demande, le jour même, de la part de parents au Hermel, qui souhaiteraient
obtenir une certification de français, pour leur fils. Il souligne en outre
« le travail patient et quotidien » visant à assurer l'accès au
français, mais surtout « un accès de qualité ».
Fadia Kiwan ne manque pas d'énoncer
d'ailleurs les différents projets mis sur pied dans ce sens depuis 1991 :
programme de mise à niveau linguistique à l'Université libanaise en 1994,
financé par l'ambassade de France à raison de 5 millions de francs français à
l'époque ; un projet-pilote dans les écoles publiques visant à former les
directeurs et surveillants ; la signature récente d'un pacte linguistique avec
une organisation française qui vise à développer les moyens linguistiques dans
tous les départements publics, y compris les forces armées.
Étaient également présents au déjeuner le
ministre de la Culture, Rony Araiji, le président du Conseil économique et
social, Roger Nasnas, l'ancien ministre Ibrahim Najjar, les ambassadeurs du
Canada et de Suisse, le représentant de l'ambassade de Belgique, le conseiller
économique du chef de l'État, Élie Assaf, le directeur général du ministère de
l'Éducation, Fadi Yarak, et le recteur de l'Université Saint-Joseph, le père
Salim Daccache.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire