Madame Reine Codsi, Présidente du Forum Francophone des
Affaires au Liban,
Excellence Monsieur le Ministre de la Culture,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs des pays
francophones,
Madame la Directrice du Bureau du Moyen-Orient de
l’Agence Universitaire de la Francophonie,
Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,
Messieurs les Directeurs Généraux,
Révérend Père Recteur de l’Université Saint-Joseph
Mesdames et Messieurs les hommes et femmes d’affaires,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Mesdames et Messieurs,
A priori, il est difficile d’entretenir une
assemblée d’hommes et de femmes d’affaires au sujet d’une langue et d’une
culture alors que nous venons de toucher leur inquiétude quant à la situation
de crise qui se prolonge au Liban et qui semble avoir entamé la patience et la
capacité de résilience de certains.
Cependant, je ne crois pas que je m’éloigne
de leur inquiétude en parlant du français. Il me vient à l’esprit une grande rencontre
internationale de régions francophones au début des années 2000, réunissant des
milieux d’affaires francophones d’Extrême-Orient et de la France. Tous les
participants avaient vanté l’importance de l’environnement culturel dans les
échanges économiques. Certains ont même témoigné de la facilité de leurs
démarches d’implantation dans des milieux francophones, même dans les pays que
l’AUF – Agence Universitaire de la Francophonie – avait appelé les pays de la
francophonie d’appel, comme pour souligner l’importance stratégique de
développer des programmes dans ces pays d’appel parce que leur attitude est
positive, demandeuse de plus de français afin de rétablir leurs moyens et leurs
atouts dans le maillage des relations internationales.
Oui, l’environnement culturel est très
important dans les affaires. Il rend le contact plus aisé, les échanges plus
faciles et, à l’heure de la mondialisation et des réseaux, reconnaissons qu’une
langue et une culture en partage facilitent la mise en réseau. Nous pouvons
donc parler de réseau international francophone dans le cadre de la
mondialisation.
Je reviens vers le Liban et je vous propose
une rétrospective sur ce qu’était la situation du français au seuil de la guerre
et des choix qui ont été faits par l’Etat libanais depuis. Je puis d’abord vous
rassurer que le renforcement de l’usage et la qualité de l’usage du français a
toujours été un choix stratégique ferme du Liban. A la veille de la guerre, un
vent d’arabisation soufflait sur le Monde Arabe. Plusieurs pays arabes furent
tentés par l’arabisation mais leur expérience a été reconnue négative parce que
ce n’est pas en s’abstenant d’apprendre d’autres langues qu’on consolide
forcément sa langue maternelle.
Le Liban était pourtant confronté à une
situation embarrassante. Beaucoup d’écoliers et de bacheliers accusaient une
déficience dans cette langue seconde qu’est le français et certains se
trouvaient éliminés au Baccalauréat à cause de la note éliminatoire en
français.
Le Liban était partagé entre deux
attitudes : faire une fuite en avant en fermant l’œil sur ce déficit qui
générait un décalage dans les chances de promotion sociale à partir de
l’éducation, ou faire une fuite en arrière en arabisant entièrement l’enseignement
scolaire.
En réalité, il ne choisit ni l’une ni
l’autre mais s’est obstiné à consolider les acquisitions en français de notre
population scolaire, surtout dans les écoles publiques.
Plusieurs actions de long terme ont été
menées depuis 1991 et en collaboration avec les pays francophones. C’est la
France, le Canada, la Suisse et la Communauté francophone de Belgique, et l’AUF,
opérateur multilatéral universitaire de la Francophonie, et qui sont
représentés parmi nous aujourd’hui, que nous devrions remercier et mettre à
l’honneur pour tout ce qu’ils ont fait et qu’ils continuent de faire pour le
Liban.
Dès 1991 un programme pilote d’appui au
français dans 18 écoles primaires a été mis en route, un autre programme a été
mis en œuvre pour former les directeurs d’écoles. La France a affecté en 1993,
5.000.000 de francs pour la mise à niveau linguistique à l’Université
Libanaise. Jusqu’à maintenant, plusieurs actions sont poursuivies avec ce même
but : consolider l’usage du français et je dirais démocratiser l’accès à
des acquisitions de français et en français de qualité. Deux grands projets
stratégiques ont été mis en route il y a deux ans : Le Pacte Linguistique
que le Président libanais Michel Sleiman a conclu avec le Secrétaire Général de
l’Organisation Internationale de la Francophonie, M. Abdou Diouf en 2010,
et qui prévoit plusieurs activités dans différents domaines, administratif,
culturel, artistique, diplomatique etc. Aujourd’hui, quatre projets sont en
cours d’exécution au ministère de l’Education Nationale. La Convention du tout
dernier projet en date a été signée en octobre 2013 et il consiste en une
formation à distance des maitres d’école. Nous parlons de grands chiffres pour
certains projets qui vont jusqu’à 550.000 euros. Un programme de fonds de solidarité
(FSP) a été signé par le Président Sleiman avec les Français, à hauteur d’un
million d’euros et destiné à consolider l’usage du français dans toutes nos
administrations et toutes nos institutions et il faut saisir l’occasion pour
remercier vivement le Service Culturel Français qui en assure un suivi d’un
très haut niveau de professionnalisme.
Le Liban est donc déterminé non seulement à
maintenir son attachement au français mais il aspire à consolider l’usage du
français par le plus grand nombre de Libanais et il s’applique à en élargir
l’usage. Le français devrait constituer une valeur ajoutée chez tout Libanais
et l’usage de cette langue n’est pas une affaire uniquement instrumentale. Le
français véhicule une culture et des valeurs auxquelles nous croyons. Le
français est devenu aujourd’hui un bien commun de tous les peuples francophones
qui l’ont en partage. C’est une langue d’ouverture à la grande diversité des
peuples et à leurs aspirations aux valeurs d’égalité, de liberté et de dignité.
Le français n’est pas seulement la langue
de Molière. C’est aussi la langue de Descartes et du cartésianisme. C’est la
langue du Code Civil. Notre formation en français a souvent été un atout dans
nos activités professionnelles : la rigueur, la recherche de la cohérence
sont des aptitudes qui se développent particulièrement à travers
l’apprentissage et l’usage du français.
Plusieurs fois j’ai été sollicitée dans
certains pays arabes pour les aider à mettre en place une formation du droit
français….en arabe. Oui le droit français, c’est une forme de raisonnement et
l’on aspire, avec l’avantage de notre connaissance de notre langue arabe, à
traduire la pensée juridique française dans d’autres langues à commencer par
l’arabe.
Apprendre le français, Mesdames et Messieurs,
ce n’est pas commettre l’adultère mais nous attacher à un avantage pour mieux
rayonner, pour nous ouvrir à d’autres peuples et échanger avec eux. Il y va
même de l’intérêt de la civilisation et de la culture arabe elles-mêmes.
Mais le Liban n’a pas que des avantages. Il
a, me semble-t-il, deux petits défauts : le manque de coordination entre
nos institutions, à l’échelle horizontale, afin de tirer le meilleur profit des
programmes de coopération qui sont mis en œuvre par des collaborations
bilatérales et multilatérales francophones. De même la coordination parmi les
institutions libanaises nous permettrait d’avoir une vue d’ensemble et de mener
une réflexion et des actions plus stratégiques.
De même, nous manquons souvent au principe
de continuité dans nos engagements et dans les actions menées par nos
différentes institutions. Nos activités de coopération manquent parfois de
mémoire. Il y a une mauvaise collaboration parmi les institutions publiques et
une aussi mauvaise collaboration entre elles et le secteur privé et le secteur
associatif. Pourtant, c’est la continuité qui permet l’accumulation du progrès
et non l’éternel retour à zéro et aux éternels commencements et inaugurations.
Le temps est venu de faire une évaluation
courageuse afin de repérer les raisons de nos défaillances et nous libérer. Il
est temps d’avoir une vue d’ensemble de notre gouvernance nationale de
maitriser notre destin et de faire des choix d’avenir.
Mesdames et Messieurs, le bilan n’est pas
négatif mais nous devrions être plus ambitieux. Soyons confiants dans nos choix
et persévérons en ayant à l’esprit que l’usage du français ne devrait pas être
une raison supplémentaire de divergence mais au contraire, en le rendant
accessible à tous, je suis convaincue que le français sera un point commun de
plus parmi les Libanais.
Je voudrais enfin,
féliciter Madame Reine Codsi, présidente du Forum Francophone des Affaires pour
les 20 ans du Forum – Comité Libanais, et la remercier de nous avoir aussi
gentiment réunis, réitérer mes remerciements à la France, au Canada, à la
Suisse, à la Communauté française de Belgique et à l’AUF qui ont toujours été à
nos côtés et bonne fête de la Francophonie à tous.

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