mardi 7 avril 2015

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Déjeuner-débat animé par l’ambassadeur d’Egypte au Liban

Un déjeuner-débat animé par S.E. Docteur Mohamed Badereldin Zayed, ambassadeur d’Egypte au Liban, s’est tenu le 24 mars au restaurant Le Maillon sur le thème : « Les rôles économique et politique de l’Egypte sur les scènes régionale et internationale ».

Organisée par le Comité National Libanais du Forum Francophone des Affaires (FFA), en partenariat avec la BLOM Bank et avec la collaboration de Banque Misr Liban et du Groupe Cavalier, cette rencontre a réuni une centaine de personnes dont des diplomates et des gens d’affaires du monde économique, financier, bancaire et des médias.

Mme Reine Sehnaoui Codsi, présidente du FFA-Liban, a souhaité la bienvenue aux personnes présentes affirmant : « il peut paraître inopportun pour certains qu’en ce mois de la Francophonie, le Forum Francophone des Affaires qui défend depuis 20 ans la diffusion du français comme langue porteuse des valeurs universelles et qui doit avoir sa place dans le monde des affaires, organise une conférence en arabe ».
« C’est dire », poursuit-elle, « combien le sujet que nous allons aborder est important et d’actualité, puisqu’il s’agit « des rôles économique et politique de l’Egypte sur les scènes régionale et internationale ». C’est méconnaitre en second lieu la place importante de l’Egypte au sein de la Francophonie avec la présence à Alexandrie de l’Université Senghor, opérateur direct de l’Organisation internationale de la Francophonie spécialisée dans la formation professionnelle, et le rôle joué par l’ancien ministre des Affaires étrangères Boutros Boutros Ghali, secrétaire général de l’OIF de 1997 à 2002 ».

A son tour M. Ahmad Tabbara, membre du Conseil de Direction du FFA – Liban, a souligné l’importance de cette rencontre disant : « parler de la Francophonie ne veut pas dire nécessairement qu’il faut s’exprimer en français, car la francophonie est en soi un concept qui prône et véhicule les valeurs humaines universelles partout dans le monde. L’invitation adressée à l’ambassadeur d’Egypte ne fait que confirmer l’étendue des relations entre nos deux pays bien enracinées dans l’histoire. Le bois du Cèdre a servi à la construction de la flotte égyptienne il y a des millénaires et le granit des colonnes de Baalbeck provient d’Egypte ». Il a évoqué les interrelations culturelles et artistiques, le rôle de l’Université arabe de Beyrouth et le fait d’être dans la même tranchée dans le combat mené contre ce qu’on qualifie de terrorisme.

Allocution de S.E. Dr Zayed

S’exprimant en arabe, l’ambassadeur d’Egypte commence par remercier la présidente du FFA pour cette belle initiative affirmant qu’« en cette phase il est important de se retrouver, d’échanger les idées et de dialoguer sur des sujets qui nous importent à tous ».

Relations avec le Liban
« Du fait de mon travail au Ministère des Affaires étrangères », dit-il, « de mes multiples missions au sein du monde arabe et de mes connaissances académiques des questions et affaires régionales, j’ai toujours affirmé devant des diplomates et des personnalités arabes qu’il existe des relations spécifiques avec les voisins directs dont la Libye où non moins de 20% de la population est d’origine égyptienne, avec le peuple palestinien dont 30% est d’origine égyptienne, avec le Soudan, et le Hijaz. Mais le rapprochement entre les Egyptiens et les Libanais est d’une nature bien plus particulière et plus intense. Ce n’est pas seulement dû au fait que les Frères Tacla sont les fondateurs du quotidien al-Ahram…. La question va beaucoup plus loin et se rapporte au fait que, lorsque de nombreux Libanais ont été forcés au 19ème siècle de quitter leur pays sous la pression des persécutions confessionnelles et autres, ils ont trouvé en Egypte une deuxième patrie et ont contribué largement à la renaissance arabe et à son expansion. Un précieux héritage qui perdure jusqu'à nos jours ». Il souligne de même que « les Libanais en priorité et aussi les Syriens ont largement contribué à l’ouverture de l’Egypte, et du monde arabe en général, à l’Occident. Quant au modèle libanais de convivialité islamo chrétienne et sa structure spécifique, il a son corollaire dans le tissu national égyptien, différent du reste du monde arabe, et cette spécificité a favorisé une fois de plus le retour de la stabilité et de l’unité nationale égyptienne entre musulmans et chrétiens », ajoutant : « l’histoire de l’Egypte n’a connu des troubles ou des confrontations confessionnelles que lorsque la politique s’est immiscée dans la religion ».
Il s’attarde sur l’importance des relations interculturelles entre les deux pays au niveau des lettres et des arts « de loin les plus développées au sein du monde arabe » soulignant que « beaucoup d’Egyptiens pensaient que la grande Sabah était égyptienne, ainsi que plusieurs autres représentants du monde des arts et des lettres. Idem pour l’Association d’hommes d’affaires libano-égyptiens qui œuvre pour le renforcement des relations entre les deux pays, regroupant des hommes d’affaires de toutes confessions et nul ne sait s’ils sont d’origine libanaise ou égyptienne. D’ailleurs les relations économiques ne sont pas des moindres et on s’active pour relancer les opportunités à tous les niveaux des investissements et des infrastructures ».

Place du français en Egypte
Abordant cette question l’ambassadeur Zayed souligne tout d’abord qu’il comprend le français mais sa deuxième langue est l’allemand. Il rattache l’implantation du français en Egypte à l’expédition du général Bonaparte (1798-1801) et, malgré la défaite et le retrait des Français suivi par l’occupation britannique, « la langue française s’est développée et a connu son expansion avec « l’arrivée au pouvoir de Mehemet Ali. Ce dernier a vite compris qu’il avait besoin d’un partenaire puissant pour développer l’industrie, l’agriculture et les infrastructures et former son armée. Il s’est alors tourné vers la France qui a envoyé des experts et des instructeurs contribuant ainsi à la naissance de l’Egypte moderne, la dotant d’une armée forte qui est arrivée aux portes d’Istanbul, ainsi qu’au delà de la Corne d’Afrique au Sud ».
Faisant une digression historique l’ambassadeur souligne que « l’armée égyptienne a toujours su défendre le pays : elle s’est opposée  aux Moghols que rien ne différencie de Daech, et sous la période Ayyoubide, le lien entre l’Egypte et Bilad el Cham a mis un terme aux Croisades. Au 19ème siècle la force de Mehemet Ali et de son fils Ibrahim Pacha a hautement inquiété les Britanniques car elle pouvait faire obstruction à leurs projets au Moyen-Orient ». Il a indiqué de même avec fierté, « l’impossibilité de soumettre les Egyptiens à une volonté extérieure même sous l’impact de la colonisation. Les grecs ont remplacé les Perses mais ont subi notre influence sur le plan de la pensée. Les Romains nous ont occupés, mais nous leur avons transmis le Christianisme et à travers eux à toute l’Europe, sachant que la première société chrétienne au monde était l’Egypte et non la Palestine ». 
Le français « s’est ainsi  répandu en Egypte par le biais de missions culturelles et éducatives et l’envoi de missions en France si bien que l’élite et l’intelligentsia égyptiennes sont devenues  francophones ainsi que les cadres et la classe moyenne. Par contre, malgré l’occupation puis le protectorat britanniques, les Egyptiens sont restés réfractaires à la  langue de Shakespeare et lors de la Révolution de 1919 contre l’occupant anglais, le leader nationaliste Saad Zaghloul menait les négociations en français ».
L’ambassadeur signale aussi « qu’en dépit du protectorat, et de la flotte militaire basée à Suez, la plus importante en dehors de l’Angleterre, l’Egypte fut le seul pays à ne pas faire partie du Commonwealth alors qu’il est membre de l’Organisation internationale de la  Francophonie ».
« Evidement l’anglais est entré en Egypte dans la seconde moitié du 20ème siècle tout comme au Liban d’ailleurs et un peu partout dans le monde comme langue des affaires et des échanges ».

Rôle de l’Egypte
L’Egypte a-t-elle disparu de la scène régionale et internationale ? Retrouvera-t-elle son rôle ? Telles sont les questions que l’on se pose, poursuit l’ambassadeur. « Non, l’Egypte n’a jamais disparu de la scène sauf que les rôles sont comme les hommes, ils grandissent, se développent, peuvent s’affaiblir par moments sous la pression et les contraintes, prospérer et s’épanouir à nouveau. Par ailleurs le destin de chaque Nation ou Etat est fonction de facteurs historiques et géographiques ».
« L’Egypte a toujours été présente dans la région même si elle a connu des phases difficiles dont la période de 10 ans qui s’est étalée entre la signature des Accords de Camp David jusqu'à sa  réintégration au sein de la Ligue arabe. Puis avec la dernière phase du pouvoir de Moubarak, alors que le régime a vieilli et s’est affaibli. Ces revers ont conduit en premier lieu à l’affaiblissement de la question palestinienne. Elles ont de même facilité la résurgence du projet israélien et d’autres projets qui ont trouvé des échos favorables et des appuis dans la région y compris de la Turquie laïque. Ainsi « la montée de l’islamisme politique » en vue de mettre fin au nationalisme arabe et de faire revivre le Califat et la pensée takfiriste n’est pas récente, elle remonte à la première moitié du 20ème siècle et son objectif est de redistribuer les cartes en vue de créer un nouveau système régional sur la base d’identités confessionnelles ce qui en définitive conforte et réalise les objectifs d’Israël. En son temps le président Gamal Abdel Nasser s’y est opposé et ces visées ont échoué. Sauf qu’en 1961 le retrait de la Syrie de l’union avec l’Egypte fut le premier signe de l’affaiblissement régional. De même les accusations portées contre Nasser pour sa campagne au Yémen alors que ses objectifs n’étaient nullement destructeurs mais visaient au développement de ce pays qu’il a fait passer du Moyen âge aux temps modernes.
Quant au projet perse expansionniste, il vise les mêmes objectifs, alors qu’avant la révolution khomeyniste l’Iran entretenait d’excellentes relations avec Israël et le monde occidental.
Au sujet de l’économie égyptienne, l’ambassadeur s’attarde sur « la conférence du développement  économique en Egypte » qui s’est tenue du 13 au 15 mars à Charm el Cheikh dont l’objectif a été de revigorer l’économie égyptienne et à l’issue de laquelle l’Egypte a bénéficié d’investissements directs grâce à des contrats signés d’un total de 36,2mrds de dollars, de crédits de l’ordre de 5,2mrds de dollars en provenance d’organismes et de fonds internationaux et des accords pour des projets financiers à hauteur de 18,6mrds de dollars. « Contrairement à ce que d’aucuns pensent », affirme le conférencier, « les investissements dans le secteur pétrolier ne vont pas impliquer des dettes et je suis de ceux qui sont persuadés qu’il y a des quantités énormes de pétrole en Egypte. Par ailleurs au delà des apports financiers la tenue de ce sommet qui a groupé une centaine de pays et plus de 1500 investisseurs est une preuve en soi de la confiance du monde en l’avenir de notre pays ».
Il conclut : « l’Egypte est revenue en force sur la scène le 30 juin lorsque le peuple a exprimé son refus de la poursuite de ces scenarios médiocres et de l’islamisme politique qui n’a rien à voir avec la religion et la défigure. Ce fut une décision historique. Nous avons désormais au Caire une direction qui possède une grande capacité de dynamisme et de vitalité dans l’action. Il y a donc une réelle opportunité aujourd’hui dans la région de faire face à tous ces projets mais l’Egypte ne peut s’y confronter seule. Cette prise de conscience régionale doit se traduire par des politiques et des actions communes pour faire face au discours islamiste et nous sauver d’un destin obscur et dangereux si on laisse faire. Devant nous un long chemin et une action concertée et continue pour tous ceux qui croient qu’il est du droit et du devoir des arabes d’avoir un meilleur avenir. »

Nelly Helou

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