Déjeuner-débat animé par l’ambassadeur d’Egypte au Liban
Un
déjeuner-débat animé par S.E. Docteur Mohamed Badereldin Zayed, ambassadeur
d’Egypte au Liban, s’est tenu le 24 mars au
restaurant Le Maillon sur le thème : « Les rôles économique et
politique de l’Egypte sur les scènes régionale et internationale ».
Organisée par le Comité National Libanais du Forum
Francophone des Affaires (FFA), en partenariat avec la BLOM Bank et
avec la collaboration de Banque Misr Liban et du Groupe Cavalier,
cette rencontre a réuni une centaine de personnes dont des diplomates et des
gens d’affaires du monde économique,
financier, bancaire et des médias.
Mme
Reine Sehnaoui Codsi, présidente du FFA-Liban, a souhaité la bienvenue aux
personnes présentes affirmant : « il peut paraître inopportun pour
certains qu’en ce mois de la Francophonie, le Forum Francophone des Affaires
qui défend depuis 20 ans la diffusion du français comme langue porteuse
des valeurs universelles et qui doit avoir sa place dans le monde des affaires,
organise une conférence en arabe ».
« C’est
dire », poursuit-elle, « combien le sujet que nous allons aborder est
important et d’actualité, puisqu’il s’agit « des rôles économique et
politique de l’Egypte sur les scènes régionale et internationale ». C’est méconnaitre
en second lieu la place importante de l’Egypte au sein de la Francophonie avec
la présence à Alexandrie de l’Université Senghor, opérateur direct de
l’Organisation internationale de la Francophonie spécialisée dans la formation
professionnelle, et le rôle joué par l’ancien ministre des Affaires étrangères
Boutros Boutros Ghali, secrétaire général de l’OIF de 1997 à 2002 ».
A
son tour M. Ahmad Tabbara, membre du Conseil de Direction du FFA – Liban, a
souligné l’importance de cette rencontre disant : « parler de la Francophonie
ne veut pas dire nécessairement qu’il faut s’exprimer en français, car la
francophonie est en soi un concept qui prône et véhicule les valeurs humaines universelles
partout dans le monde. L’invitation adressée à l’ambassadeur d’Egypte ne fait
que confirmer l’étendue des relations entre nos deux pays bien enracinées dans
l’histoire. Le bois du Cèdre a servi à la construction de la flotte égyptienne
il y a des millénaires et le granit des colonnes de Baalbeck provient d’Egypte ».
Il a évoqué les interrelations culturelles et artistiques, le rôle de
l’Université arabe de Beyrouth et le fait d’être dans la même tranchée dans le
combat mené contre ce qu’on qualifie de terrorisme.
Allocution de S.E. Dr Zayed
S’exprimant
en arabe, l’ambassadeur d’Egypte commence par remercier la présidente du FFA
pour cette belle initiative affirmant qu’« en cette phase il est important
de se retrouver, d’échanger les idées et de dialoguer sur des sujets qui nous
importent à tous ».
Relations avec le Liban
« Du
fait de mon travail au Ministère des Affaires étrangères », dit-il,
« de mes multiples missions au sein du monde arabe et de mes connaissances
académiques des questions et affaires régionales, j’ai toujours affirmé devant
des diplomates et des personnalités arabes qu’il existe des relations
spécifiques avec les voisins directs dont la Libye où non moins de 20% de la
population est d’origine égyptienne, avec le peuple palestinien dont 30% est
d’origine égyptienne, avec le Soudan, et le Hijaz. Mais le rapprochement entre
les Egyptiens et les Libanais est d’une nature bien plus particulière et plus
intense. Ce n’est pas seulement dû au fait que les Frères Tacla sont les
fondateurs du quotidien al-Ahram…. La question va beaucoup plus loin et se
rapporte au fait que, lorsque de nombreux Libanais ont été forcés au 19ème siècle de quitter leur pays sous la pression des
persécutions confessionnelles et autres, ils ont trouvé en Egypte une deuxième
patrie et ont contribué largement à la renaissance arabe et à son expansion. Un
précieux héritage qui perdure jusqu'à nos jours ». Il souligne de même que
« les Libanais en priorité et aussi les Syriens ont largement contribué à
l’ouverture de l’Egypte, et du monde arabe en général, à l’Occident. Quant au
modèle libanais de convivialité islamo chrétienne et sa structure spécifique,
il a son corollaire dans le tissu national égyptien, différent du reste du
monde arabe, et cette spécificité a favorisé une fois de plus le retour de la
stabilité et de l’unité nationale égyptienne entre musulmans et chrétiens »,
ajoutant : « l’histoire de l’Egypte n’a connu des troubles ou des
confrontations confessionnelles que lorsque la politique s’est immiscée dans la
religion ».
Il
s’attarde sur l’importance des relations interculturelles entre les deux pays
au niveau des lettres et des arts « de loin les plus développées au sein
du monde arabe » soulignant que « beaucoup d’Egyptiens pensaient que
la grande Sabah était égyptienne, ainsi que plusieurs autres représentants du
monde des arts et des lettres. Idem pour l’Association d’hommes d’affaires
libano-égyptiens qui œuvre pour le renforcement des relations entre les deux
pays, regroupant des hommes d’affaires de toutes confessions et nul ne sait
s’ils sont d’origine libanaise ou égyptienne. D’ailleurs les relations
économiques ne sont pas des moindres et on s’active pour relancer les
opportunités à tous les niveaux des investissements et des infrastructures ».
Place du français en Egypte
Abordant
cette question l’ambassadeur Zayed souligne tout d’abord qu’il comprend le
français mais sa deuxième langue est l’allemand. Il rattache l’implantation du
français en Egypte à l’expédition du général Bonaparte (1798-1801) et, malgré
la défaite et le retrait des Français suivi par l’occupation britannique, « la
langue française s’est développée et a connu son expansion avec
« l’arrivée au pouvoir de Mehemet Ali. Ce dernier a vite compris qu’il
avait besoin d’un partenaire puissant pour développer l’industrie, l’agriculture
et les infrastructures et former son armée. Il s’est alors tourné vers la
France qui a envoyé des experts et des instructeurs contribuant ainsi à la
naissance de l’Egypte moderne, la dotant d’une armée forte qui est arrivée aux
portes d’Istanbul, ainsi qu’au delà de la Corne d’Afrique au Sud ».
Faisant
une digression historique l’ambassadeur souligne que « l’armée égyptienne
a toujours su défendre le pays : elle s’est opposée aux Moghols que rien ne différencie de Daech,
et sous la période Ayyoubide, le lien entre l’Egypte et Bilad el Cham a mis un
terme aux Croisades. Au 19ème siècle
la force de Mehemet Ali et de son fils Ibrahim Pacha a hautement inquiété les Britanniques
car elle pouvait faire obstruction à leurs projets au Moyen-Orient ». Il a
indiqué de même avec fierté, « l’impossibilité de soumettre les Egyptiens
à une volonté extérieure même sous l’impact de la colonisation. Les grecs ont
remplacé les Perses mais ont subi notre influence sur le plan de la pensée. Les
Romains nous ont occupés, mais nous leur avons transmis le Christianisme et à
travers eux à toute l’Europe, sachant que la première société chrétienne au
monde était l’Egypte et non la Palestine ».
Le
français « s’est ainsi répandu en
Egypte par le biais de missions culturelles et éducatives et l’envoi de
missions en France si bien que l’élite et l’intelligentsia égyptiennes sont
devenues francophones ainsi que les
cadres et la classe moyenne. Par contre, malgré l’occupation puis le
protectorat britanniques, les Egyptiens sont restés réfractaires à la langue de Shakespeare et lors de la
Révolution de 1919 contre l’occupant anglais, le leader nationaliste Saad
Zaghloul menait les négociations en français ».
L’ambassadeur
signale aussi « qu’en dépit du protectorat, et de la flotte militaire
basée à Suez, la plus importante en dehors de l’Angleterre, l’Egypte fut le
seul pays à ne pas faire partie du Commonwealth alors qu’il est membre de l’Organisation
internationale de la Francophonie ».
« Evidement
l’anglais est entré en Egypte dans la seconde moitié du 20ème siècle tout comme au Liban d’ailleurs et un peu
partout dans le monde comme langue des affaires et des échanges ».
Rôle de l’Egypte
L’Egypte
a-t-elle disparu de la scène régionale et internationale ?
Retrouvera-t-elle son rôle ? Telles sont les questions que l’on se pose, poursuit
l’ambassadeur. « Non, l’Egypte n’a jamais disparu de la scène sauf que les
rôles sont comme les hommes, ils grandissent, se développent, peuvent
s’affaiblir par moments sous la pression et les contraintes, prospérer et
s’épanouir à nouveau. Par ailleurs le destin de chaque Nation ou Etat est
fonction de facteurs historiques et géographiques ».
« L’Egypte a
toujours été présente dans la région même si elle a connu des phases difficiles
dont la période de 10 ans qui s’est étalée entre la signature des Accords
de Camp David jusqu'à sa réintégration
au sein de la Ligue arabe. Puis avec la dernière phase du pouvoir de Moubarak,
alors que le régime a vieilli et s’est affaibli. Ces revers ont conduit en
premier lieu à l’affaiblissement de la question palestinienne. Elles ont de
même facilité la résurgence du projet israélien et d’autres projets qui ont
trouvé des échos favorables et des appuis dans la région y compris de la
Turquie laïque. Ainsi « la montée de l’islamisme politique » en vue
de mettre fin au nationalisme arabe et de faire revivre le Califat et la pensée
takfiriste n’est pas récente, elle remonte à la première moitié du 20ème siècle et son objectif est de redistribuer les cartes en
vue de créer un nouveau système régional sur la base d’identités
confessionnelles ce qui en définitive conforte et réalise les objectifs
d’Israël. En son temps le président Gamal Abdel Nasser s’y est opposé et ces
visées ont échoué. Sauf qu’en 1961 le retrait de la Syrie de l’union avec
l’Egypte fut le premier signe de l’affaiblissement régional. De même les
accusations portées contre Nasser pour sa campagne au Yémen alors que ses
objectifs n’étaient nullement destructeurs mais visaient au développement de ce
pays qu’il a fait passer du Moyen âge aux temps modernes.
Quant
au projet perse expansionniste, il vise les mêmes objectifs, alors qu’avant la
révolution khomeyniste l’Iran entretenait d’excellentes relations avec Israël
et le monde occidental.
Au
sujet de l’économie égyptienne, l’ambassadeur s’attarde sur « la
conférence du développement économique
en Egypte » qui s’est tenue du 13 au 15 mars à Charm el Cheikh dont
l’objectif a été de revigorer l’économie égyptienne et à l’issue de laquelle
l’Egypte a bénéficié d’investissements directs grâce à des contrats signés d’un
total de 36,2mrds de dollars, de crédits de l’ordre de 5,2mrds de dollars en
provenance d’organismes et de fonds internationaux et des accords pour des
projets financiers à hauteur de 18,6mrds de dollars. « Contrairement à ce
que d’aucuns pensent », affirme le conférencier, « les investissements
dans le secteur pétrolier ne vont pas impliquer des dettes et je suis de ceux
qui sont persuadés qu’il y a des quantités énormes de pétrole en Egypte. Par
ailleurs au delà des apports financiers la tenue de ce sommet qui a groupé une
centaine de pays et plus de 1500 investisseurs est une preuve en soi de la
confiance du monde en l’avenir de notre pays ».
Il
conclut : « l’Egypte est revenue en force sur la scène le 30
juin lorsque le peuple a exprimé son refus de la poursuite de ces scenarios
médiocres et de l’islamisme politique qui n’a rien à voir avec la religion et
la défigure. Ce fut une décision historique. Nous avons désormais au Caire une
direction qui possède une grande capacité de dynamisme et de vitalité dans l’action.
Il y a donc une réelle opportunité aujourd’hui dans la région de faire face à
tous ces projets mais l’Egypte ne peut s’y confronter seule. Cette prise de
conscience régionale doit se traduire par des politiques et des actions
communes pour faire face au discours islamiste et nous sauver d’un destin
obscur et dangereux si on laisse faire. Devant nous un long chemin et une
action concertée et continue pour tous ceux qui croient qu’il est du droit et
du devoir des arabes d’avoir un meilleur avenir. »
Nelly
Helou
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