EXTRAIT DE LA PUBLICATION DU FFA - IV
Par Ibrahim Tabet
Par Ibrahim Tabet

La publicité est un des secteurs économiques les plus touchés par la mondialisation. On comprend dès lors que les mêmes réseaux d’agences opèrent en Afrique du nord et au Moyen Orient et que beaucoup de marques internationales y adoptent les mêmes campagnes régionales plus ou moins adaptées au contexte local ; tendance favorisée par la large audience des chaînes satellitaires. Autres dénominateurs communs entre le Liban et le Maghreb, une croissance rapide du secteur et, malheureusement, un recul de l’utilisation du français comme langue de communication publicitaire.
Le marché publicitaire par pays
En 2008 les marchés publicitaire étaient respectivement de 132 millions de dollars pour le Liban, 447 millions de dollars pour le Maroc, 152 millions de dollars pour l’Algérie et de 92 millions de dollars pour la Tunisie. Les dépenses publicitaires media par habitant se montaient ainsi à 33$ au Liban, 13$ au Maroc, 9$ en Tunisie et 4,25$ en Algérie.
Le Liban vient donc largement en tête en terme de dépenses publicitaires par habitant, l’Algérie étant à la traîne sur ce plan du fait de deux facteurs : le poids de son secteur public qui limite la concurrence et le maintient par le gouvernement du monopole de l’audiovisuel. Cela dit la publicité a connu une croissance très rapide dans ces quatre pays et les perspectives semblent aussi bonnes en 2009 malgré la crise mondiale du secteur qui a plus affecté les pays arabes du Golfe, en particulier les Emirats Arabes Unis.
L’avance du Liban s’explique en partie au fait que le revenu moyen par habitant y est supérieur à celui des pays du Maghreb. Mais aussi au fait que les Libanais ont été les pionniers de la publicité dans le monde arabe et, partant, conservent un certain leadership dans ce domaine. En effet bien que Dubaï ait remplacé Beyrouth comme hub régional et que les marchés publicitaires de l’Arabie Saoudite et des Emirats soient plus importants, une bonne partie des cadres des agences de publicité régionales est libanaise.
Tous les réseaux internationaux d’agences de communication marketing sont présents au Liban et au Maghreb et, comme la plupart des sociétés multinationales, ont des directeurs généraux coiffant toute la région MENA (« Middle East and North Africa »). Ces derniers sont en majorité Libanais et on compte aussi des Libanais parmi leurs directeurs de création régionaux et les directeurs généraux de leurs agences locales dans certains pays du Golfe et du Maghreb.

Les medias et les autres acteurs de la communication
Le facteur de rapprochement sociétal le plus notable entre le Maghreb et les autres pays arabes est incontestablement le développement spectaculaire des chaînes satellitaires panarabes. Ce rapprochement est favorisé non seulement par l’influence sur l’opinion publique arabe des journaux télévisés et autres émissions d’information mais aussi par les programmes de divertissement qui permettent aux peuples de ces pays de mieux se connaître. Mais ce succès ainsi que l’importance croissante des campagnes de publicité panarabes a aussi contribué au recul du français en faveur de l’arabe comme langue publicitaire au Maghreb comme au Liban.
La presse est largement dominée par les titres locaux au Liban comme au Maghreb. On compte par exemple près de 160 titres en français au Maroc et , en Algérie, qui est le pays comptant la population francophone la plus nombreuse après la France, la proportion des titres francophone est supérieure à celle de la presse arabophone. Au Liban, la presse francophone locale jouit d’une part du marché publicitaire largement supérieure à son taux de d’audience, facteur qui explique en grande partie la bonne santé économique d’un titre comme « L’Orient – Le Jour », doyen des quotidiens de langue française au Moyen. On ne peut parler de media sans citer aussi « Les Affichages Pikasso » société libanaise fondée et dirigée par Antonio Vincenti qui s’est implantée en Algérie en 2005 dont le marché de la publicité extérieure était vierge à l’époque.
Enfin dans le domaine de la production de films publicitaires certaines sociétés libanaises ont créé des studios au Maghreb, comme « The Talkies » au Maroc. Ces initiatives ont certes un objectif avant tout économique mais le partage de la langue française entre professionnels libanais et maghrébins de la communication est un facteur favorable au développement des échanges dans ce secteur.

Le déclin de la publicité en français
A la différence de la situation du Maghreb, plutôt caractérisée par un bilinguisme arabe – français, la publicité au Liban est (ou était) trilingue et, jusqu’il y a une quinzaine d’années, l’anglais n’y occupait que la troisième place après l’arabe et le français. Les campagnes de publicité en français se font de plus en plus rares même dans la presse locale d’expression française où c’est maintenant l’anglais qui domine. D’une manière générale, les campagnes pour les produits de consommation courante s’adressant à la masse sont plutôt en arabe alors que les messages pour des produits plus sélectifs sont, soit en français, soit de plus en plus en anglais. Ce phénomène lié à la mondialisation a conduit à l’annulation du « Mondial de la Publicité Francophone », concours international récompensant les meilleures campagnes de publicité qui a eu lieu pour la dernière fois au Liban en 2002.

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